Nouveau décret envoyé par le gouvernement au Conseil d’État : augmentation de la durée minimale de travail pour ouvrir des droits au chômage. Tous les salariés de moins de 57 ans qui auront perdu leur emploi devront avoir cotisé au moins 8 mois dans les 20 derniers mois (dans les 30 mois pour les 57 ans et plus). Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir travaillé au moins 6 mois dans les 24 derniers mois pour toucher une allocation chômage :
- Cela va pénaliser les jeunes qui entrent sur le marché de l’emploi et les précaires (CDD, intérim…). 190 000 personnes pourraient passer sous le seuil d’ouverture des droits (chiffre du ministère du Travail). Beaucoup plus, d’après d‘autres études. Jusqu’à un tiers des allocataires selon l’Unédic.
- À cet allongement de la période d’affiliation s’ajoute une diminution de la durée maximale d’indemnisation qui passera de 18 mois à 15 mois pour les moins de 57 ans, au mépris de la contracyclicité que le gouvernement a lui-même introduite et alors que le chômage ne baisse pas.
- Les séniors pourraient payer un lourd tribut du fait de la suppression du premier palier : la borne d’âge de 53 ans est supprimée et celle de 55 ans est reculée à 57 ans.
- Passé 57 ans, la durée d’indemnisation passera à 22 mois et demi contre 27 actuellement.
- Tous les autres connaitront une durée maximale d’indemnisation de 15 mois. Soit près d’un an de réduction des droits par rapport au droit de 24 mois avant ces réformes.
Autres mesures préconisées dans le décret
- Modulation des droits : la durée d’indemnisation baissera de 40 % si le taux de chômage descend en dessous de 6,5 % de la population active, pendant deux trimestres consécutifs.
- Un complément de rémunération « le bonus emploi sénior » versé à un salarié d’au moins 57 ans acceptant un emploi moins payé que le dernier exercé à compter du 1er décembre. Ce complément sera versé pendant un an maximum et son montant correspondra à l’allocation perçue avant la reprise d’emploi, après la déduction de 40 % de la rémunération du nouveau poste.
Quelles positions sur l’assurance chômage ?
- Le gouvernement a une gestion comptable de l’assurance chômage qui pour lui doit devenir une aide sociale financée par l’impôt, avec des règles qui peuvent varier en fonction du budget de l’État. Matignon confirme que les nouvelles mesures génèreront à l’horizon 2025 une économie de 3,6 milliards d’euros par an soit une économie de 10 % du montant total des allocations versées.
- Les partenaires sociaux considèrent l’assurance chômage comme un amortisseur social qui permet de mettre en place, par exemple pendant une crise, des périodes de chômage partiel pour éviter les licenciements et qui offre aux demandeurs d’emploi un temps pour rebondir et éviter les trappes à pauvreté.
- Le droit à indemnisation des chômeurs âgés jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein sera maintenu. Mais l’allocation versée sera plafonnée à 57 % du plafond de la sécurité sociale, soit 2 202 euros par mois brut.
- Le calcul de l’indemnisation se fera sur 30 jours. Les chômeurs perdront 5 jours par an et 6 les années bissextiles.
Colère des syndicats, dont les numéros uns de 5 organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC) ont signé une tribune commune dans le Monde : « Les multiples réformes combinées ont fait plonger le montant moyen des allocations de 17 % par rapport à 2019 et la durée d’indemnisation de 25 %.
- Désormais, seuls 36 % des inscrits à France Travail (anciennement Pôle emploi) sont indemnisés, niveau qui n’a jamais été aussi faible.
- Quarante cinq pour cent des allocataires sont passés sous le seuil de pauvreté, un chiffre qui a doublé, en grande partie des jeunes, des femmes à temps partiel ou des séniors en fin de droits.
- Ces baisses de droits entrainent des excédents annuels de l’Unédic que l’État s’empresse de ponctionner, à hauteur de 12 milliards en trois ans.
Les syndicats espèrent obtenir du Conseil d’État la censure qui va fixer les nouvelles règles d’indemnisation. Ils espèrent trouver la faille juridique qui annule certaines mesures :
- Sur la période transitoire pour une application au 1er décembre, soit 5 mois avant la publication du décret dit « de jointure » pris pour attendre la fin des négociations entre partenaires sociaux.
*Le volet séniors n’est toujours pas réglé pour répondre aux exigences de la lettre de cadrage du gouvernement, après leur accord sur l’assurance chômage de novembre. Les discussions sur le sujet se sont soldées par un échec au printemps. - Les syndicats étudient les contraintes imposées dans le document de cadrage et sur les objectifs financiers assignés.
- Ils contestent le fait que cela va faire 5 ans que de manière continue, l’État fixe les paramètres de l’indemnisation des chômeurs, alors que la loi a confié cette mission aux partenaires sociaux.
« On peut se demander si on est dans une logique de paritarisme », « L’Unédic est un système assurantiel, or le gouvernement stigmatise les chômeurs comme s’ils bénéficiaient de l’impôt des Français », fustigent des sénateurs. « On assiste à un détricotage en règle des protections que les partenaires sociaux ont construites au fil des ans » , dénonce la CFDT. Les députés le 5 juin en commission, suite à une proposition de la loi LIOT soutenue par les syndicats, se sont prononcés contre cette réforme de l’assurance chômage.
Les économistes pointent le « coût social élevé de ces réformes successives ». Pour Michaël Zemmour « Le gouvernement annonce une nouvelle réforme de l’assurance chômage sans en détailler les effets sociaux, alors qu’il chiffre précisément les économies qu’il compte réaliser. On a déjà eu deux réformes de l’assurance chômage qui ont réduit les allocations en moyenne de 20 % et même plus pour certains publics. Aujourd’hui, on estime qu’environ 4 personnes sur 10 au chômage perçoivent une allocation et on risque de passer en dessous ».
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