L’Europe des compétences
L’Union européenne a placé la période 2023-2024 sous le signe des compétences, pour « donner un nouvel élan à l’apprentissage tout au long de la vie ». Parmi les objectifs de cette Année européenne des compétences, une attention particulière est portée aux besoins des employeurs en examinant des questions-clés : comment les entreprises européennes répondent-elles habituellement à leurs besoins en compétences ? Pourquoi forment-elles leurs salariés ? Quelle place accordent-elles, dans un environnement concurrentiel, à la formation dans leur stratégie de développement ou de sécurisation des parcours de leurs salariés ?
Une enquête basée sur des données européennes et françaises
Les chercheurs du CEREQ ont mobilisé les données de l’enquête européenne d’Eurostat au titre de 2020 et de l’Enquête Formation Employeur annuelle 2021 (France uniquement) sur les pratiques de formation des entreprises. Les données comparatives portent sur l’année 2020, profondément impactée par la crise du Covid. Les informations recueillies au titre de 2021 permettent de confirmer ou infléchir les analyses pour la France au-delà du contexte particulier de l’année 2020. Les grandes entreprises sont celles de 250 salariés et plus, les petites entreprises celles comptant entre 10 et 49 salariés.
Les points à retenir
Une forte implication des entreprises françaises dans la formation : la France est l’un des pays avec la plus forte proportion d’entreprises ayant une personne dédiée ou un service responsable de l’organisation de la formation continue (62 % contre 52,5 % en Europe). Et ce, tant dans les grandes (96 %) que dans les petites entreprises (56 %), la formation est bien identifiée comme un élément de la stratégie de développement.
La priorité est aux compétences métier : les entreprises françaises investissent majoritairement dans les formations techniques et spécifiques au métier (67 % des entreprises contre 62 % en Europe). À l’inverse, les compétences en langues sont parmi les moins citées par les entreprises (6 % en France et en Europe en 2020), en net recul. Depuis le 1er janvier 2019 en France, seules les entreprises employant moins de 50 salariés peuvent solliciter des fonds mutualisés auprès de leur opérateur de compétences, pour financer leur plan de développement des compétences. Aussi les plus grandes entreprises ont sans doute resserré leur plan autour des formations utiles à leur activité, reportant sur le compte personnel de formation (CPF) les formations qui pouvaient être portées par les salariés eux-mêmes.
L’évaluation des effets de la formation : les entreprises françaises sont plus nombreuses que la moyenne européenne à évaluer l’impact de la formation sur la satisfaction des participants (75 % contre 29,5 % en Europe), l’acquisition des compétences visées (59 % contre 29 % en Europe), la performance des nouveaux formés (57 % contre 28 % en Europe) et l’impact sur les performances économiques (42 % contre 21 %).
L’adaptation à la crise sanitaire : en 2020, les entreprises françaises ont su s’adapter au contexte de crise en recourant davantage aux formations en situation de travail (39 % des entreprises) et à l’apprentissage. Les données pour 2021 (24,5 %) montrent que l’augmentation du recours aux formations en situation de travail était plus conjoncturelle que structurelle et les cours et stages ont confirmé leur forte prégnance en 2021 (52 % des salariés y ont eu accès contre 47 % en 2020).
L’apprentissage : en 2020, la France a fortement accru son recours à l’apprentissage (49 % des entreprises y ont recours) et a largement dépassé la moyenne européenne (32 %). Les entreprises se démarquent néanmoins par leur motivation. Elles mettent en avant le caractère opportuniste de leurs pratiques dans le cadre de mesures incitatives notamment financières et déclarent plus qu’ailleurs en Europe utiliser les capacités productives des apprentis (71 % contre 52 % en Europe).
En conclusion, les entreprises françaises ont su s’adapter au contexte changeant et ont intégré la formation dans leurs stratégies RH et de développement. Pour autant, les politiques de formation des entreprises françaises semblent davantage orientées vers l’appui de la croissance et de la performance que vers la sécurisation des trajectoires des salariés et les besoins en compétences restent très importants. D’autres enquêtes révèlent un écart entre les aspirations des salariés en matière de formation et leur prise en compte par les entreprises [1], notamment lorsque les souhaits de reconversion des premiers ne convergent pas avec les besoins des secondes.
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