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Les clés du social : Immigration : des phantasmes à la réalité

Immigration : des phantasmes à la réalité

Publié le 7 décembre 2022 / Temps de lecture estimé : 3 mn

Dans un article récent François Héran, professeur au collège de France, alerte sur la tonalité du débat public sur l’immigration en France et sa déconnexion avec la réalité des chiffres. Si la part des immigrés a progressé de 62 % dans la population mondiale depuis 20 ans (de 2000 à 2020) la France, elle, se situe dans une moyenne basse (+36%). Et si l’on regarde de près les titres de séjour délivrés par l’administration française on constate que la majorité (54%) vient de la migration estudiantine. Phénomène positif au regard de notre image dans le monde et de la participation de notre pays à la construction des compétences. Enfin François Héran alerte sur la démesure des objectifs qui sous-tendent la politique migratoire, objectifs qui bien souvent nient les réalités les plus élémentaires. Décryptage à l’heure où se profilent de nouveaux travaux parlementaires sur l’immigration et la mise en place de nouveaux processus d’intégration des immigrés dans le monde du travail.

L’analyse de l’ONU

L’ONU rappelle que si les chiffres constituent généralement le point de départ de la plupart des discussions sur la migration ils ne doivent pas nous empêcher de comprendre les tendances émergentes qui accompagnent les transformations sociales et économiques dans le monde. L’ONU estime à 281 millions le nombre de migrants internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6 % de la population mondiale. Ce chiffre a augmenté au cours des 50 dernières années. En 2020, c’est l’Europe et l’Asie qui accueillaient, respectivement, quelque 87 millions et 86 millions de migrants internationaux, représentant 61 % de la population mondiale totale de migrants.

Regard sur l’Europe et la France

Les régions d’Europe qui ont connu la plus forte hausse de la population immigrée depuis 2000 sont l’Europe du Sud (+181 %), les pays Nordiques, le Royaume-Uni et l’Irlande, l’Allemagne et l’Autriche.
La France ne fait pas partie de ce peloton de tête. Elle a connu +36 % de hausse, ce qui la place dans la moyenne basse de l’Europe. Le chiffre du nombre d’immigrés dans la population est de 10,3 % aujourd’hui. Ce chiffre est en légère augmentation au cours des 3 dernières présidences françaises.

Regard sur les titres de séjour

François Héran rappelle que leur nombre a augmenté de 37 % de 2005 à 2021 mais que cette hausse s’explique à 54 % par la migration estudiantine loin devant la migration de travail (27 %) et la migration de refuge (24 %). Quant à la migration familiale, objet de refus et de critiques d’une partie de l’opposition, elle a reculé de 10 % depuis 2005. Enfin les régularisations pour des raisons professionnelles stagnent depuis 2012. Il ne s’agit en aucun cas d’appels d’air comme on l’entend trop souvent.
Quant aux demandes d’asile, la France fait figure de Petit Poucet comparée à l’Allemagne. À titre d’exemple les effectifs de Syriens accueillis en France en sept ans s’élèvent 36 900, soit 3 % des demandes d’asile enregistrées en Europe, alors que l’Allemagne représente 53 % de ces demandes.

Les questions polémiques ne vont pas tarder à ressurgir à l’occasion des débats parlementaires. Il est à souhaiter que la nouvelle législation favorise l’insertion. La lecture des journaux nous apprend que des jeunes et des moins jeunes expulsables ont appris un métier, ont trouvé un patron et participent à la vie de leurs villages ou de leurs quartiers. Il faut souvent une mobilisation citoyenne pour que les préfets sursoient. Ne mettons-nous pas la charrue avant les bœufs ? François Héran l’écrit : « Il est temps que le pragmatisme prévaut sur le dogmatisme ».

La France et le Royaume-Uni signent un nouvel accord pour lutter contre les traversées de la Manche

L’accord signé le 14 novembre 2022 vise à lutter ensemble contre les traversées de migrants de la Manche. Les autorités britanniques estiment que le nombre de migrants ayant traversé la Manche depuis le début de l’année s’élève à plus de 40 000. En échange du versement par les Britanniques de 72,2 millions d’euros en 2022-2023 la France s’engage à faire passer de 800 à 900 ses effectifs de sécurité sur les plages du pays. Des ressources technologiques, dont des drones, seront aussi déployés. La volonté des deux pays est aussi de démanteler les réseaux de passeurs et dissuader les traversées par un travail conjoint en lien avec les pays d’origine et de transit des exilés.

Mais l’ONG britannique Refugee Council regrette que cet accord « ne s’attaque pas aux facteurs qui poussent les hommes, les femmes et les enfants à entreprendre des voyages dangereux pour rejoindre le Royaume-Uni ». Enfin 65 associations humanitaires françaises, britanniques et belges travaillant sur les questions migratoires pointent, dans une tribune récente, des manquements inacceptables de la part des secours français et anglais.

Plus de 200 personnes sont mortes ou ont été portées disparues, en mer ou sur terre, en tentant de rejoindre l’Angleterre au départ du littoral nord de la France depuis 2014, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Sources

  • François Héran : Le débat public en France sur l’immigration est sans rapport avec la réalité. Le Monde, jeudi 10 novembre 2022.