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Les clés du social : Impact et PAC

Impact et PAC

Publié le 26 janvier 2022 / Temps de lecture estimé : 5 mn

Le 23 novembre 2021 le Parlement européen, après deux ans de discussion, a adopté la nouvelle politique agricole commune que le Conseil des Ministres de l’agriculture a définitivement approuvée le 3 décembre. Se voulant plus verte et plus sociale, cette nouvelle politique agricole affirme une évolution importante de ce qui reste une part conséquente du budget européen et un objectif essentiel pour préserver notre autonomie alimentaire et nos paysages ruraux. Malgré les critiques cette nouvelle PAC va dans le bon sens. Un peu d’histoire et une explication sur les évolutions voulues.

1. Origine et évolution de la Politique agricole commune (PAC)

La PAC a été la première politique réellement communautaire de la Communauté économique européenne (CEE) [1] . La CEE créée par le Traité de Rome en 1957 a lancé la PAC en 1962 avec pour objectif, au sortir de la deuxième guerre mondiale, de parvenir à son autosuffisance alimentaire et à sa souveraineté en mettant en commun les moyens agricoles. Plus grand poste budgétaire de la CEE [2] elle a représenté près de 70% du budget européen au début des années 80. Son budget reste conséquent encore aujourd’hui, en représentant 37%, même si l’agriculture ne représente que 1,7% du PIB européen et 4,6% de l’emploi.

Si l’essentiel des financements va directement aux agriculteurs, les objectifs se sont élargis. Dans la PAC qui couvrait 2014/2020, un quart des financements était dédié au tourisme et à des projets de développement rural. La PAC a connu des évolutions permanentes depuis sa création. Par exemple dans les années 90 il a fallu éliminer les quotas de production qui avaient été fixés et qui s’avéraient inefficaces. Si, dans les « anciens » pays européens, la concentration a été déjà largement pratiquée cela n’est pas encore le cas des nouveaux pays, en Roumanie les exploitations familiales disparaissent au rythme de 300 000 par an car, selon l’ONG Eco Ruralis, les politiques de subventions bénéficient d’abord aux grands exploitants. N’oublions pas qu’en France en 1955, on comptait 2,3 millions d’exploitations agricoles. En 2003, elles n’étaient plus que 590 000. Deux millions de personnes vivaient sur ces exploitations en 2000, soit quatre fois moins qu’en 1955. La population active agricole, familiale et salariée, atteignait 6,2 millions de personnes en 1955, soit 31 % de l’emploi total en France. En 2000, cette part est tombée à 4,8% avec 1,3 million de personnes. Les nouveaux pays européens en particulier de l’Europe centrale et orientale sont encore loin d’avoir connu une telle évolution ! Ainsi, en 14 ans (1993-2007), dans l’Europe des 15, le nombre des exploitations et celui des travailleurs ont diminué de l’ordre de 22% pendant que la surface agricole reculait de 3% (près de 4 millions d’hectares).

La concentration et la spécialisation des exploitations agricoles à travers l’Europe se poursuivent avec une diminution du nombre d’actifs agricoles. Les préoccupations liées à l’environnement et au développement durable ne pouvaient pas être ignorées dans la nouvelle PAC ni les demandes des syndicats des travailleurs de l’agriculture pour de meilleures conditions salariales et de travail en particulier au niveau sanitaire.

2. Une nouvelle étape décisive de la PAC

Dès juin 2021, les ministres de l’agriculture de l’UE avaient confirmé l’accord provisoire conclu avec le Parlement européen sur la réforme de la politique agricole commune. La nouvelle politique devait engager les États membres à respecter les droits sociaux et les droits du travail des travailleurs agricoles ; encourager les agriculteurs à recourir à des pratiques agricoles plus écologiques ; soutenir les petites exploitations et les jeunes agriculteurs ; établir une meilleure corrélation entre l’aide et les résultats et performances des exploitations. Les débats ont été finalisés au Parlement européen début novembre et ensuite l’accord final entériné par le Conseil européen du 3 décembre.

Le budget adopté de la nouvelle PAC est vraiment très important avec près de 400 milliards de 2021 à 2027. Le premier objectif affiché est de « verdir » l’agriculture européenne. La réforme prévoit d’accorder des primes aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux et des méthodes de production plus écologiques ou contribuant au bien-être animal, ce que la réforme appelle des « écorégimes » (Pacte Vert). La réforme prévoit d’octroyer au moins 25% des aides directes à des « écorégimes » mais la possibilité de n’en octroyer que 20% les deux premières années. Chaque État membre devra préparer pour 2022 un « plan stratégique » détaillant son usage des fonds européens et la Commission européenne en vérifiera la conformité avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre et l’engagement de baisser de 50% l’usage des pesticides d’ici à 2030. Les plans nationaux devront également prévoir qu’un quart des terres soit réservé à l’agriculture bio. La réforme de la PAC 2021-2027 renforce le principe de la conditionnalité des aides au respect des normes environnementales mais introduit aussi une conditionnalité sociale.

Face aux inégalités entre les États membres, la Commission européenne propose de poursuivre la convergence interne (dans chaque pays) pour qu’aucun agriculteur ne reçoive comme aide de base moins de 75 % de la moyenne nationale de son pays, contre 70 % actuellement. De même, elle propose de poursuivre la convergence externe pour réduire les écarts entre États membres des montants d’aides versées aux agriculteurs.

Il faut noter que le budget de la PAC sera complété au niveau du développement rural par des ressources supplémentaires du programme « Next Generation EU » pour relancer l’économie et soutenir les mesures sociales de la crise Covid.

L’application de cette nouvelle PAC se fera en fait au 1er janvier 2023. À noter que la France reste le principal pays bénéficiaire de la politique agricole européenne. Dans l’exercice budgétaire 2019, la France était la première avec 17,3 %, suivie par l’Espagne (12,4 %), l’Allemagne (11,2 %) et l’Italie (10,4 %).

3. Entre déception et satisfaction

Est-ce que les ambitions de « verdir » l’agriculture européenne ont été atteintes ? Pas suffisamment pour les ONG de l’écologie. Beaucoup craignent une politique « vitrine » et une poursuite d’une politique productiviste. Les « écorégimes » sont trop peu définis et permettent une interprétation trop laxiste pour pouvoir récupérer des subventions communautaires. Une autre critique est que la répartition des aides se fera en fonction des hectares cultivés et non des emplois ce qui conduira à ce que 80% des aides de la PAC soit attribués à 20% des exploitants agricoles.

La Fédération européenne des syndicats de l’agriculture et de l’agroalimentaire (EFFAT) se félicite, au-delà des objectifs de développement durable, de voir intégrée la « conditionnalité sociale » des subventions pour lutter contre les violations des droits des travailleurs même si l’entrée en vigueur de la réforme ne démarre qu’en 2023 et que l’obligation de cette conditionnalité sociale n’interviendra qu’en janvier 2025. L’EFFAT souligne également que son action a permis d’introduire dans la PAC la nécessité, pour les Services de conseils liés à l’agriculture, de fournir des informations aux agriculteurs sur les conditions de travail et sur les informations à fournir aux travailleurs ainsi que la possibilité pour les États membres de promouvoir l’amélioration des conditions de travail dans le cadre sectoriel.


[1Si l’on fait abstraction de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) précédant la création de la CEE en 1957.

[2La Commission européenne compte quelque 1 100 employés répartis dans 11 Directions liées à l’agriculture, impliqués dans l’administration du Programme PAC.