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Les clés du social : La négociation collective se concentre de plus en plus sur l'entreprise et la branche

La négociation collective se concentre de plus en plus sur l’entreprise et la branche

Publié le 7 août 2019 / Temps de lecture estimé : 5 mn

Le traditionnel bilan de la négociation collective publié par le ministère du Travail paru en juin 2019 confirme la tendance déjà constatée les années précédentes d’une forme d’assèchement de la négociation nationale interprofessionnelle. A contrario, la négociation de branche et surtout la négociation d’entreprise se portent plutôt bien.

La négociation nationale interprofessionnelle au ralenti

6 textes seulement ont été conclus au niveau national interprofessionnel (13 en 2017). En dehors de quatre avenants concernant l’assurance chômage et les retraites complémentaires, deux accords ont été signés en 2018. Il s’agit de l’accord sur l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’apprentissage et l’accord sur l’assurance chômage signé en février 2018 à la suite de la feuille de route proposée par le gouvernement en décembre 2017.

Ces deux accords ont été signés par les organisations patronales représentatives et quatre organisations syndicales (CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO). Ajoutons, en outre, l’échec de la négociation sur l’assurance chômage à l’automne où les partenaires sociaux n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente. À la suite, il est vrai, d’une lettre de cadrage qui rendait la négociation compliquée.

Cette tendance à la baisse se confirme depuis 2015 et semble traduire un mouvement de fond issu d’une volonté partagée par le gouvernement et le Medef de privilégier le dialogue social au niveau de l’entreprise ou la branche professionnelle. Les déclarations du président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux et l’objectif affiché par son organisation de ne plus bénéficier des fonds du paritarisme sont des signes préoccupants d’un désengagement du Medef au niveau national interprofessionnel.

Notons au niveau infranational, l’accord sur les groupements d’employeurs [1].

La négociation de branche se porte bien…

Avec 1 288 accords enregistrés en 2018 (en données provisoires, donc le chiffre sera plus élevé) contre 1 166 en 2017 (données définitives), la négociation de branche reste toujours dynamique.

Les négociations sur la mise en place des Commissions permanentes paritaires de négociation et d’interprétation (CPPNI) à la suite de la loi Travail se sont poursuivies à un niveau élevé en 2018. D’autre part, les ordonnances travail de septembre 2017 ont imposé aux branches de négocier de nouveaux accords prévoyant des dispositions spécifiques aux TPE sur le dialogue social, ce qui a entraîné de nombreux accords de branche sur ce thème en 2018.

En dehors de l’organisation du dialogue social, le thème des salaires s’est maintenu à un niveau élevé en 2018 avec 467 textes enregistrés au moment de la rédaction du bilan. Ce chiffre est équivalent à celui enregistré pour 2017 au même moment l’an passé. Ce niveau élevé de négociation s’explique par la reprise économique et une inflation plus forte.

Toutefois, la question des salaires minimaux et leur positionnement par rapport au SMIC a été moins abordée en 2018 qu’en 2017. Cette dernière année avait été particulière. Beaucoup de branches avaient voulu se recaler par rapport au salaire minimum. Aujourd’hui, 22 branches restent encore avec des minimas inférieurs au SMIC. Cette question des salaires de branche et leur primauté sur les négociations d’entreprise fait l’objet, aujourd’hui, d’un contentieux auprès du conseil d’État entre l’État et toutes les organisations syndicales qui craignent le dumping social entre les entreprises d’un même secteur d’activité.

En dehors des salaires, la question de l’égalité professionnelle est de plus en plus présente dans les accords (notamment les accords salariaux). La négociation sur les opérateurs de compétence a aussi été assez active. Cependant, les thèmes de la protection sociale, du temps de travail ou du contrat de travail ont été moins souvent traités en 2018 par rapport à 2017.

Les accords de branche sont signés à 83 % par la CFDT, 72,6 % par FO, 56,9 % par la CFE-CGC et 52,7 % par la CFTC. Ces taux tiennent compte de la reconnaissance de la représentativité dans les branches professionnelles, ce qui explique les différences entre ces organisations qui sont souvent signataires quand elles sont en capacité de la faire. En revanche, la CGT ne signe que 35,7 % des accords alors qu’elle est représentative dans une large majorité des branches.

…la négociation d’entreprise encore mieux

Difficile cette année de faire des comparaisons d’une année sur l’autre en raison de l’évolution du processus de collecte des accords avec la mise en place d’une téléprocédure pour les enregistrer.

Mais les chiffres sont manifestement très élevés puisque 75 600 textes ont été enregistrés en 2018 dont 47 700 accords entre employeurs et représentants du personnel.

51,7 % des textes enregistrés ont été signés par des délégués syndicaux et 11,7 % par des élus du personnel. 14,7 % relèvent de décisions unilatérales de l’employeur. 19,4 % sont des référendums sur l’épargne salariale qui constitue le thème qui engendre le plus de textes. En dehors de ce cas, le référendum n’a été utilisé que dans 1,5 % des cas, juste un peu plus que le recours à des salariés mandatés par une organisation syndicale (1 %).

Pour ce qui est des négociations entre employeurs et organisations syndicales, ce sont toujours les salaires qui sont le premier thème de discussion (31,7 % des accords). Viennent ensuite le temps de travail (23,8 %) et l’égalité professionnelle (13,2 %).

Le droit syndical et plus particulièrement la mise en place des CSE a suscité 14,7 % des accords en 2018. Environ 5 200 textes ont été signés entre septembre 2017 et décembre 2018. Ce chiffre est relativement faible au regard des entreprises concernées d’autant qu’il comprend de nombreux accords de prolongation de mandat comme l’autorisaient les ordonnances dans la période de transition. Les partenaires sociaux ont manifestement retardé l’échéance du changement, marquant de fait leur peu d’empressement à mettre en œuvre une évolution dont ils ne perçoivent pas l’utilité. 2019, dernière année pour la mise en place des CSE, devrait donc logiquement voir une multiplication de ces accords.

Pour l’anecdote, notons que seulement 3 accords de mise en place de Conseil d’entreprise ont été répertoriés par le ministère.

Au niveau des entreprises, la CGT signe 84 % des accords là où elle est représentative à un niveau bien plus élevé donc que dans les branches et surtout au niveau interprofessionnel où elle ne signe aucun accord. Les équipes CGT font peut-être preuve de plus de pragmatisme dans la négociation d’entreprise qu’ailleurs. Globalement, les partenaires sociaux des entreprises arrivent plus facilement à trouver un point d’entente qu’aux autres niveaux puisque la CFDT signe 94 % des accords quand elle est représentative, CFE-CGC 93 %, CFTC 91 %, FO 90 %, UNSA 89 % et même Solidaires 70 % des accords.

Le regroupement des branches avance à son rythme

Le bilan annuel de la négociation collective fait aussi le point de l’avancée du chantier du regroupement des branches initié dès 2015 et renforcé les années suivantes. Il y avait 687 branches en 2015 dont 374 en dessous de 5 000 salariés. 276 branches ont depuis été restructurées portant le nombre de branches à 411 en janvier 2019. Le ministère pense toujours atteindre le chiffre d’environ 200 branches au cours de cette année 2019.

La négociation collective a donc été toujours très active en 2018. Cela devrait encore être le cas en 2019 notamment avec la mise en place des CSE. Beaucoup d’interrogations demeurent toutefois pour la suite. Les partenaires sociaux de l’entreprise élargiront-ils le périmètre des négociations à d’autres thèmes que ceux qu’ils ont eu l’habitude de traiter jusqu’ici, comme l’y encouragent les ordonnances travail ? Ceux des branches professionnelles trouveront-ils leur place avec le développement de la négociation au niveau des entreprises ? Quant au niveau national interprofessionnel, les partenaires sociaux trouveront-ils les moyens de redonner du grain à moudre à la négociation à ce niveau ? Limiter le dialogue social au seul niveau de l’entreprise aurait pour conséquence d’affaiblir davantage encore les partenaires sociaux et le paritarisme avec des conséquences graves sur les droits des travailleurs et l’avenir de la démocratie.


Source


[1Les groupements d’employeurs, une alternative aux contrats courts ?
http://www.clesdusocial.fr/les-groupements-d-employeurs-une-alternative-aux-contrats-courts