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Les clés du social : Comment « raccrocher » les éloignés du dialogue social ?

Comment « raccrocher » les éloignés du dialogue social ?

Publié le 9 mars 2024 / Temps de lecture estimé : 4 mn

C’est à cette question que l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean Jaurès tente de répondre dans un texte publié en décembre 2023. Le groupe qui a travaillé sur ce sujet, composé de DRH, d’experts, de chercheurs, de syndicalistes et d’avocats, s’est déclaré d’emblée « être du côté du syndicalisme et du dialogue social ». Constatant qu’il existe, pour des raisons diverses, de nombreux travailleurs éloignés des espaces de dialogue social voire de l’idée qu’ils peuvent s’en faire, le groupe de travail suggère un certain nombre d’actions pour leur permettre d’y participer davantage.

Qui sont les éloignés du dialogue social ?

Les auteurs reprennent la définition générale du dialogue social : « la recherche spontanée de compromis entre personnes physiques ou morales aux intérêts divergents ». Ils rajoutent que dans les sociétés démocratiques celui-ci se matérialise par la recherche de compromis entre partenaires sociaux « les corps intermédiaires » au travers de la négociation sociale.

Toutefois, alors que 90 % des salariés sont couverts en France par les conventions collectives, de nombreux travailleurs sont de fait ou se sentent éloignés du dialogue social voire ne se sentent pas concernés.

Certains en sont exclus de droit, tels les salariés des entreprises qui ne dépendent pas d’une convention collective, ceux qui n’ont pas de représentation du personnel et pour qui la seule possibilité est le dialogue direct avec l’employeur. Ce sont aussi les travailleurs des plateformes qui, jusqu’à une période récente, ne bénéficiaient d’aucun système de représentation. Il y a enfin ceux qui s’en désintéressent parce qu’ils n’en ont pas compris l’importance ou l’efficacité. D’autres pensent pouvoir mieux se débrouiller par eux-mêmes.

Baisse de la participation aux élections professionnelles

Autre constat abordé par les auteurs, la baisse de participation des salariés aux élections professionnelles. Ainsi, ils notent la forte baisse de la participation aux élections aux CSE qui est passée de 42,76 % sur le cycle 2013-2017 à 38,24 % sur le cycle suivant dans le secteur privé. C’est surtout le cas des élections TPE où le taux de participation, déjà faible, a été divisé par deux entre 2012 et 2021. Ils constatent aussi la baisse de la participation dans le secteur public (49,93 % en 2018 et 43,67 % en 2022). Enfin les travailleurs des plateformes qui avaient l’occasion de s’exprimer pour la première fois en 2022 ont boudé l’élection avec des taux de participation de 1,83 % chez les livreurs et 3,91 % chez les chauffeurs.

Et même si, selon les spécificités des scrutins, on peut trouver des explications à ces résultats électoraux, à l’instar des élections politiques, les auteurs constatent « une perte d’intérêt pour le dialogue social dans sa forme actuelle ».

Comment « raccrocher » les éloignés du dialogue social ?

Sans rentrer dans les détails, pour répondre à ces difficultés, les auteurs émettent un certain nombre de pistes de réflexions et de propositions.

Ainsi, s’ils ne dédouanent pas les organisations syndicales de leurs responsabilités, ils soulignent la nécessité d’un engagement plus fort du patronat et des chefs d’entreprise en faveur du dialogue social. Ils encouragent aussi l’État à jouer « un rôle majeur » pour impulser le dialogue social au niveau national interprofessionnel en prônant « une intervention tripartite : État, organisations patronales et syndicales ».

Les organisations syndicales doivent par ailleurs s’ouvrir davantage vers les travailleurs des plateformes malgré la faiblesse des résultats du premier scrutin.

Les auteurs proposent en outre le développement d’un dialogue social professionnel articulé avec le dialogue social. Ils souhaitent, par exemple, rendre plus visible le dialogue social en indiquant sur les bulletins de paie les résultats obtenus par les accords collectifs. Pourquoi les partenaires sociaux ne pourraient-ils pas s’engager sur un thème commun mobilisateur tel que la transition écologique ?

Enfin, l’Observatoire du dialogue social propose de « repenser le CSE » en reprenant les propositions des Assises du travail pour améliorer la proximité des salariés, ou encore améliorer l’implantation des CSSCT dans tous les établissements. Ils souhaitent notamment que les anciennes fonctions des délégués du personnel et des CHS-CT soient réellement traitées dans les entreprises.

Le sondage

Réalisé par l’Observatoire du dialogue social de la fondation Jean Jaurès en lien en Antoine Bristielle [1], ce sondage montre que si 2/3 des sondés pensent que le dialogue social et la négociation collective ont une utilité concrète et qu’ils sont plus d’accord que l’inverse pour dire qu’il apporte des améliorations à leur situation (48 % contre 38 %), il existe de réelles différences de perception entre les salariés en fonction du niveau d’étude des sondés et aussi de leur participation aux dernières élections présidentielles.

Ainsi, si les diplômés d’un diplôme de l’enseignement supérieur sont au-delà de 70 % à considérer l’importance du dialogue social, ils ne sont plus que 47 % pour les diplômés d’un CAP-BEP ou encore 53 % pour ceux qui n’ont pas dépassé l’école élémentaire. De même, si ceux qui ont voté au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 sont 73 % à considérer que le dialogue social est important, ils ne sont que 42 % à le penser quand ils n’ont pas voté. Ce sont aussi chez les ouvriers et les employés que l’on trouve le plus faible taux d’adhésion au dialogue social…



Ce document élaboré par l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean Jaurès est une contribution intéressante au débat social. Dans une période où certains veulent encore un peu plus mettre en cause les conditions du dialogue social dans les entreprises, il est utile que des voix s’élèvent en faveur du dialogue social.


Source


[1Antoine Bristielle est chercheur en sciences sociales et directeur de Strategic Perspectives, expert à la Fondation Jean Jaurès. Le document proposé par l’Observatoire du dialogue social ne fournit pas les conditions de réalisation du sondage