mercredi 15 décembre 2021
Deux rapports récents parlent de l’immigration en France. Le rapport commandé par l’État à Jean Tirole (prix Nobel) et Olivier Blanchard (ex-chef économiste de l’OCDE) fait le constat des défis à relever : réchauffement climatique, inégalités et vieillissement de la population. « L’immigration qualifiée : un visa pour la croissance » préconise le développement des emplois de qualité avec l’arrivée d’une immigration choisie. Avec une immigration en France peu nombreuse, l’OCDE fait le constat de l’émigration en augmentation, avec la hausse des départs de Français vers l’étranger. Elle souligne les incertitudes à court terme (conditions sanitaires, restrictions de voyage). La pandémie est-elle susceptible de modifier ces dynamiques migratoires ?
L’immigration en France : elle est peu qualifiée, peu diversifiée et faible en volume. Certains pays de naissance sont surreprésentés dans l’immigration française. D’après l’OCDE, en 2020, 70 % des immigrés non européens résidant en France sont nés sur le continent africain (2/3 au Maghreb).
L’émigration des Français : en 2019, les Nations Unies comptabilisaient deux millions de personnes nées en France vivant à l’étranger. Cet effectif a augmenté de 52 % au cours des 20 dernières années et a presque doublé (+89 %) en 40 ans.
L’immigration est-elle bonne pour l’économie ? L’immigration a un effet positif à la fois sur les salaires et sur l’emploi des natifs de même niveau de qualification avec un effet plus concentré sur les travailleurs les moins qualifiés. Ceci s’explique par un déplacement de ces travailleurs vers des emplois plus sophistiqués ou vers des zones géographiques plus dynamiques. L’embauche des travailleurs étrangers permet d’alléger les tensions sur le marché du travail, sans pénaliser les travailleurs natifs. L’immigration de travail complète l’offre d’emploi des nationaux.
Les bienfaits de l’immigration économique à long terme : en Europe, plus d’un tiers des immigrés n’a pas fini le lycée (25 % parmi les natifs). Symétriquement, un tiers des immigrés a atteint un niveau d’études supérieur. Depuis 2000, les immigrés représentent 14 % de l’augmentation de la force de travail très qualifiée en Europe. L’Europe est vieillissante. Elle a un besoin vital d’immigrés pour renforcer sa population notamment active. Sur les dernières décennies, 70 % des qualifications des immigrés sont complémentaires de celles des natifs. En 2016, plus d’un tiers de l’augmentation de la force de travail européenne est due à l’immigration (47 % aux USA).
L’immigration de travail peu qualifiée est utilisée comme une source de flexibilité. Les immigrés peu qualifiés travaillent en général dans des secteurs à l’activité saisonnière, pénible physiquement et/ou à horaires décalés. Ces emplois sont peu compatibles avec une vie de famille. Les moins qualifiés ont des taux d’occupation plus élevés en période de croissance et ils sont les premiers à perdre leur emploi en période de récession.
L’immigration qualifiée est vue comme un atout dans la mondialisation. Les flux internationaux de biens, de capitaux et de personnes sont un vecteur déterminant de la croissance et de la productivité d’un pays.
Le recours aux travailleurs détachés pour les entreprises confrontées à une pénurie de main d’œuvre : hors transport routier, 251 300 salariés ont été détachés au moins une fois en France en 2019, essentiellement dans l’industrie, la construction, les services et l’agriculture. La France est le deuxième pays d’accueil et le quatrième pays d’envoi de travailleurs détachés dans l’Union européenne.
Le rapport Jean Tirole-Olivier Blanchard fait plusieurs propositions car l’immigration s’est effondrée entre 2019 et 2020, à la suite de la crise sanitaire :
Le solde migratoire annuel des personnes nées en France, calculé comme la différence entre les entrées et les sorties, est selon l’INSEE proche de moins 160 000 depuis 2014. En 2015/2016, la plupart des émigrés nés en France résidant dans un autre pays de l’OCDE vivaient en Europe, notamment en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni. Les émigrés diplômés du supérieur sont surreprésentés aux USA, Canada, Royaume-Uni. Ils ont un niveau d’éducation plus équilibré pour ceux résidant dans les autres pays (Allemagne, Espagne, Belgique). Les émigrés sont en moyenne plus éduqués que les natifs n’ayant pas quitté le pays. En plus, en 2017, près de 90 000 étudiants, nés en France, étaient partis à l’étranger pour effectuer tout ou partie de leurs études. Les dernières années sont caractérisées par une augmentation des naturalisations. Cela peut être imputable à des évènements extérieurs (Brexit, double nationalité au Luxembourg…). Il est nécessaire de prendre en compte la diversité des motifs d’émigration, des parcours migratoires et de leur temporalité.
Références