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Les clés du social : Salaire décent chez Michelin, un progrès mais des limites

Salaire décent chez Michelin, un progrès mais des limites

Publié le 10 juillet 2024 / Temps de lecture estimé : 3 mn

« Les gens qui travaillent doivent pouvoir vivre correctement de leur salaire » a déclaré très médiatiquement en avril 2024 Florent Ménégaux, le président du groupe Michelin, en présentant la mise en place d’un « salaire décent » et d’un socle universel de protection sociale pour tous les salariés du groupe (132 000 salariés). Un concept déjà ancien appliqué aujourd’hui chez Michelin et qui a toutefois ses limites…

Instauration du salaire décent chez Michelin

Pour Michelin, le salaire décent « devait permettre à une famille de quatre personnes, deux adultes et deux enfants, de se nourrir, mais aussi de se loger, de se soigner, d’assurer les études des enfants, de se constituer une épargne de précaution, d’envisager des loisirs et des vacances ». Pour mettre en œuvre le salaire décent dans son groupe, Michelin a fait appel à une ONG, Fair Wage Network, qui a défini des seuils de salaires en fonction des territoires ce qui permet d’effacer les différences liées au coût de la vie telles que par exemple le coût du logement. Ainsi, pour la France le seuil est fixé à 39 639 euros annuel brut pour Paris et 25 356 euros pour Clermont. C’est notablement au-dessus du Smic qui se situe à 21 203 euros. D’après l’entreprise, en moyenne le salaire décent se situerait entre 1,5 fois et 3 fois le salaire minimum légal des différents pays concernés. Dans le monde, 5 % des salariés du groupe soit 7 000 personnes se situaient en dessous du salaire décent.

La mise en place du salaire décent du groupe s’accompagne, par ailleurs, d’un socle minimal de protection sociale pour les salariés qui ne sont pas « protégés par les lois françaises ».

Le salaire décent : un incontestable progrès mais qui a ses limites relevées par les syndicats

Cette annonce a été diversement appréciée par les syndicats du groupe. Cette initiative a été saluée par la CFDT qui regrette toutefois qu’elle n’ait pas fait l’objet de négociation même si la question des rémunérations avait été abordée au Conseil de surveillance à l’initiative de son représentant ainsi que dans les instances de représentation des salariés. La CFDT tempère aussi la portée de cette mesure qui concerne la rémunération globale du salarié et pas uniquement le salaire fixe. Même son de cloche à la CFE-CGC de Michelin qui considère que la « direction du groupe confond salaire et rémunération ». Pour le syndicat « la différence est importante car le salaire est le revenu de base alors que la rémunération intègre des éléments complémentaires et non garantis ». La CGT, quant à elle, dénonce le « cynisme » de la direction du groupe alors même « qu’en janvier (2024, ndlr) le groupe a dû réévaluer les minima des huit premiers coefficients qui se retrouvaient depuis plusieurs mois en dessous du smic ».

Un concept déjà ancien appliqué par les grandes entreprises seulement

Cette notion avait été abordée par l’OIT dès 1970, considérant que fournir un salaire décent était de la responsabilité des entreprises. Elle a fait l’objet en 2000 d’un Pacte mondial sous l’égide l’ONU auquel adhèrent aujourd’hui plus de 19 000 entreprises dont des grandes entreprises internationales telles que IKEA, H&M, Unilever ou françaises comme Danone ou L’Oréal. Un concept qui ne semble être appliqué avec plus ou moins de réalité que par des grands groupes qui en ont la capacité financière.

Pour Michelin comme pour d’autres entreprises, le « salaire décent » constitue aussi un facteur d’attractivité de la main d’œuvre et de compétitivité qui s’accompagne souvent de contreparties en termes d’emploi notamment la fermeture éventuelle d’établissements et des délocalisations.

Au final, la notion de salaire décent mérite d’être développée sur l’ensemble de la chaine de valeur des entreprises notamment dans les pays en développement là où la rémunération des travailleurs est souvent informelle et très basse, comme la loi et la directive européenne sur le devoir de vigilance l’imposent. Elle devrait faire l’objet d’un dialogue social entre les employeurs et les organisations syndicales. Elle pourrait aussi s’accompagner d’une autre mesure qui consisterait à définir un maximum de rémunération alors même que, comme le soulignent les syndicats de Michelin, les écarts entre cadres dirigeants et ouvriers du groupe sont trop élevés.


Sources

et quelques articles de journaux.