Transition énergétique et taxe carbone
La note n° 80 du Conseil d’analyse économique de novembre 2023 présente un scénario basé sur une quantification des effets de la transition énergétique sur l’emploi, à partir de l’instauration hypothétique d’une taxe sur le carbone de 100 euros la tonne de CO2.
Pour le Conseil, au niveau macroéconomique, cette taxe aura peu de répercussions sur l’emploi en France. Les chercheurs estiment que les entreprises adapteront sans doute leur mix énergétique et puis il ne fait pas de doute pour eux que cette tarification du carbone sera très probablement adoptée au niveau européen, parallèlement à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.
Leur hypothèse repose aussi sur la diversité des technologies et des mix énergétiques au sein de chaque secteur et ils pensent que la forte hétérogénéité entre entreprises implique de nombreux transferts d’emploi au sein d’un même secteur, plus importants que les transferts et mouvements entre secteurs. Pour eux, la somme des destructions et créations d’emplois intersectorielles ne représenterait en effet que 4 % de l’emploi total.
Au-delà de ce travail d’anticipation le Conseil estime que, pour réussir cette transition, il faut accompagner les entreprises et les territoires les plus affectés, en particulier en contrant les difficultés d’accès au crédit.
Relativiser la part future des emplois verts
Si le Conseil n’adhère pas à un mouvement de destructions important d’emplois, il relativise par ailleurs l’idée que la transition serait massivement créatrice d’emplois verts. Si les emplois verts sont bien amenés à se développer, ils ne représenteront qu’une part modeste de l’emploi total. Ces emplois exigent une variété de compétences clés plus large que les emplois neutres, mais, pour l’heure, ils ne sont pourtant pas mieux rémunérés à profession égale. Les chercheurs préconisent que, pour atteindre les objectifs climatiques du pays, il est essentiel de combler un déficit potentiel d’attractivité pour les métiers de la transition bas carbone.
Les impacts de la transition écologique sur le marché du travail
Par ailleurs France Stratégie organise une série de webconférences pour compléter le rapport de synthèse sur Les incidences économiques de l’action pour le climat de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz. L’une d’entre elles s’intéresse aux impacts de la transition écologique sur le marché du travail. Morceaux choisis.
Pour Michaël Orand de la Dares, s’il y aura peu d’impact global sur l’emploi cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas des écarts importants dans certains secteurs (plus ou moins un million d’emplois). Il cite les secteurs particulièrement concernés et devant faire l’objet de grandes attentions : la construction, l’énergie, les modes des transports et leur fabrication et enfin l’agriculture. Il note que toute la chaine de qualification est concernée et attire l’attention sur les différences de traitement entre les villes et les zones rurales.
Pour Anne-Juliette Lecourt de la CFDT, à terme tous les métiers vont devoir s’adapter et donc rien ne se fera sans les travailleurs et le dialogue social. Elle souligne qu’il y a désormais des métiers accélérateurs de la transition, par exemple les responsables Achats ou les responsables des flottes d’entreprise. Leurs actions vont transformer les entreprises. La CFDT veut articuler les enjeux sociaux et économiques avec les enjeux environnementaux et revendique la négociation d’agendas dans les secteurs concernés. Elle rappelle que la loi Climat a légitimé la compétence des militants syndicaux à intervenir.
Yannick Saleman, chef de projet Emploi et Politiques industrielles au Shift Project, fait part de leur début d’expérience sur un territoire, en l’occurrence la Bretagne. En termes de bâtiments, de mobilité, de fret, d’agriculture mais aussi d’accès à la culture comment décarboner la Bretagne ? Comment passer des camions aux trains et aux vélos-cargos ? Comment former et accompagner les salariés des secteurs en changement ? Il plaide pour la mise en place d’experts sectoriels qui travaillent avec les acteurs du secteur et cite des expériences déjà sur la table comme la mutualisation des transports alimentaires et des flux. Affaire à suivre.
Conclusion
La transition écologique aura des impacts sur le marché du travail, notamment en termes de réallocations d’emplois, de parcours professionnels, de conditions de travail et de compétences requises. Il y aura aussi des effets indirects sur les secteurs, les territoires et in fine les travailleurs. L’anticipation et l’accompagnement de ces changements seront donc cruciaux pour réussir une transition juste.
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